Le livre de Job est beaucoup plus qu’une “histoire” : les grandes questions de la condition humaine y sont abordées en profondeur. Les malheurs de Job - après avoir été comblé toute sa vie, il est réduit à la misère la plus extrême - ne sont qu’un prétexte pour nous faire réfléchir sur cette réalité : la vie humaine sur terre n’est pas satisfaisante. La souffrance et la mort ne seraient pas si obscures s’il n’y avait pas ce malaise, ou ce scandale, qui résulte de l’absence de Dieu dans notre monde.
Il suffit à Job de contempler la nature pour croire en Dieu et en sa providence, mais ses malheurs l’amènent à reconsidérer l’idée qu’il se faisait d’un accord tacite entre le juste qu’il est et le Dieu juste.
Job accuse et crie vers Dieu de toute la force de son espoir non satisfait et, à la fin, Dieu devra intervenir.
Le point de départ de ce livre est un conte populaire que nous retrouvons dans les premières et les dernières pages (1,1-2,13 et 42,10-17) : l’Histoire du saint homme Job. Yahvé l’avait éprouvé en lui retirant tout, et malgré cela, Job était resté fidèle. A la fin, Dieu lui rend tout.
La morale était un peu simpliste. C’est alors qu’un auteur inconnu a écrit les poèmes des chapitres 3-41 . Là, un Job bien différent du premier accuse la condition humaine, et ses trois amis lui opposent les réponses de la sagesse traditionnelle.
Ces chapitres forment l’ensemble le plus considérable de la littérature de sagesse de la Bible. Il n’est pas inutile de rappeler ici que cette nouvelle section jette sur la vie un regard très différent de celui que nous offraient les livres de la Loi et les livres prophétiques. Ceux-ci ne s’intéressaient guère qu’à l’histoire d’Israël, aux avatars de l’alliance qui, au Sinaï, avait fait d’Israël un peuple à part, porteur d’une mission universelle.
Ici on a oublié (au moins en apparence) l’histoire et la vocation d’Israël. On est revenu à ce qui fait la vie de tous les humains, quels que soient leur pays et leurs religions. L’homme est face à son destin, sans autre révélation que ce que la nature lui dit de mille façons ; la tradition de ses pères le lui a transmis et interprété. L’homme n’est pas dans un monde vide de Dieu, bien au contraire il voit partout sa présence. Mais il est d’abord conditionné par son existence matérielle et le seul fait que tant de personnes vivent en des conditions humaines met en cause l’honnêteté de Dieu et la façon dont il traite les humains.
Les discours de Job sont fortement marqués par la culture de son temps. Il lui importe avant tout d’être reconnu comme juste : honneur et honte sont des critères décisifs pour le monde tribal. De là le besoin de s’adresser à un arbitre ou à un tribunal qui le réhabilite lorsque sa misère l’a fait considérer comme coupable. Le livre montrera qu’il n’y a pas de réponse : l’intervention de Dieu aux chapitres 38-42 va dans une toute autre direction que la conclusion en 42,10-17. L’homme reste avec son malaise et il ne s’en guérira pas avant qu’il n’ait vu Dieu.