1 Alors Job reprit son discours de sagesse :
2 Que ne puis-je revenir aux lunes d’autrefois,
aux jours où Dieu veillait sur moi,
3 quand brillait sa lampe au dessus de ma tête
et qu’à sa lumière je traversais les ténèbres !
4 Comme je voudrais retrouver mon âge mûr,
lorsque Dieu protégeait ma tente,
5 lorsque le Puissant était encore avec moi,
et que mes garçons se tenaient autour de moi,
6 lorsque mes pieds baignaient dans la crème
et que l’huile pour moi ruisselait de la roche !
7 Quand j’allais à la Porte, au haut de la cité,
j’installais mon siège sur la place.
8 A ma vue les jeunes s’écartaient,
les personnes d’âge se mettaient debout,
9 les chefs interrompaient leurs discours
et tenaient la main sur leur bouche ;
10 les princes baissaient la voix
et devenaient comme muets.
21 Ils m’écoutaient et ne bronchaient pas,
ils se taisaient attendant mon avis.
22 Quand j’avais parlé, nul ne répliquait ;
mon discours tombait sur eux goutte à goutte :
23 c’était la pluie qu’ils attendaient,
l’averse de printemps qui calmait leur soif.
24 Si je leur souriais, ils n’osaient y croire,
ils ne perdaient rien de mes signes de bonne humeur.
25 Je prenais la tête et leur montrais un chemin ;
j’étais comme le roi au milieu de ses troupes,
je les menais à mon gré.
Celui qui m’écoutait me félicitait,
celui qui me voyait m’approuvait.
Car je délivrais le pauvre qui appelle,
l’orphelin et celui qui n’a pas d’appui.
A moi la bénédiction du désespéré !
je rendais la joie au cœur de la veuve.
Je faisais de la justice mon vêtement,
la droiture était mon manteau, mon turban.
J’étais les yeux de l’aveugle,
et le pied du boiteux c’était encore moi.
J’étais un père pour les pauvres,
je défendais la cause de l’étranger.
Je brisais les crocs du criminel,
et d’entre ses dents je faisais tomber sa proie.
Aussi je pensais : “Je mourrai déjà vieux,
mes jours seront nombreux comme les grains de sable.
Mes racines s’allongent vers les eaux,
et sur mon feuillage la rosée se dépose.
Ma gloire, tout comme moi se garde neuve
mon arc dans ma main reste vert.”
Dans les chapitres 29-3l, Job présente sa défense et se met dans le rôle du juste envié et calomnié. Tant que les gens ont de la chance, ils sont estimés, mais dès qu’un malheur leur arrive, tout d’un coup, tout le monde les regarde différemment. C’est qu’un instinct secret pousse les hommes à trouver un bouc émissaire dans les malheurs de la communauté. Le respect démesuré se retourne alors, l’envie fait place à la persécution.
Paradoxalement, c’est la défense de Job qui montre le côté faible de cette intégrité, cette “justice” devant Dieu dont il était si fier. Je faisais de la justice mon vêtement. Job était un homme juste, conscient d’être juste, et il remerciait Dieu qui l’avait fait bon.
Tout cela ressemble énormément à la “justice”, aux mérites des Pharisiens. Tout en montrant un grand respect pour un Dieu éloigné, Job avait bâti seul, sa vie, ses vertus, et sa propre image. Finalement sa perfection n’existait pas aux yeux de Dieu parce que, sans le dire, Job se faisait un rival de Dieu.
Le livre de Job nous enseigne à quel point nous avons besoin que le Fils de Dieu vienne. D’une part, tant que Dieu ne se révèle pas ouvertement, l’homme ne peut pas éviter de douter de lui et de lui en vouloir. D’autre part, tant que l’homme se sent seul responsable de sa propre perfection, il ne peut ni se sentir fils de Dieu, ni entrer dans le royaume de la grâce.