1 Sur ma couche j’ai cherché, dans la nuit, celui que mon cœur aime :
je l’ai cherché et ne l’ai pas trouvé.
2 Debout ! que j’arpente la ville,
parcourant les rues et les places,
que je cherche celui que j’aime !
3 Je l’ai cherché et ne l’ai pas trouvé.
Les gardes m’ont rencontrée,
ceux qui font les rondes dans la ville :
“Avez-vous vu celui que j’aime ?”
4 A peine les avais-je passés
que j’ai trouvé celui que j’aime.
Je l’ai saisi ! Je ne le lâcherai pas
que je ne l’aie conduit au logis de ma mère,
à la chambre où ma mère m’a conçue.
LUI :
5 Je vous en prie, filles de Jérusalem,
par les gazelles et les biches des champs :
ne l’éveillez pas, ne réveillez pas son amour,
avant qu’elle ne veuille !
Le Chœur :
6 Qui monte ainsi du désert ?
Cela semble une colonne de fumée,
avec des vapeurs de myrrhe et d’encens,
et toute la senteur des parfums d’Orient.
7 C’est la litière du roi Salomon !
Soixante braves l’entourent,
l’élite des braves d’Israël,
8 tous portant le glaive,
entraînés au combat.
Chacun a l’épée sur la hanche :
de nuit on ne les surprendra pas.
9 Le roi s’est fait faire un palanquin,
tout en bois du Liban.
10 D’argent il a fait les colonnes,
le baldaquin est d’or,
de pourpre le siège ;
le fond est d’ébène incrusté.
11 Sortez, filles de Jérusalem,
voyez le roi avec son diadème !
Sa mère l’en a couronné
car c’était le jour de ses noces,
le jour où la joie emplissait son cœur.
LUI :
Le corps de l’Aimée évoquait la terre de Palestine ; celui de l’Aimé réunit parfums, pierres et métaux précieux. Il doit y avoir là des allusions au Temple, entre autres les bases d’or pur, un mot qu’on ne rencontre que pour les bases des montants de la Tente Sanctuaire au désert (Ex 25-40) ; sans doute aussi la mer du verset 12. N’oublions pas que les comparaisons des vers d’amour ne s’appuient pas sur des ressemblances mais sur les propriétés symboliques des choses.
Je suis à mon aimé, et mon aimé à moi. Comme nous sommes loin de Moïse après dix siècles d’histoire sainte ! (Car le Deutéronome, qui parle aussi d’amour, attribue à Moïse beaucoup plus qu’il n’avait dit.) Mais c’est le message des grands prophètes. Rappelons cependant que pour eux la fiancée, l’épouse, est toujours la collectivité d’Israël, comme un tout. Seulement dans la communauté chrétienne (mais déjà dans certains psaumes) la Bible sera lue comme l’histoire d’amour de Dieu avec des êtres humains : ceux qu’il a connus d’avance et sanctifiés. Il ne faudra pourtant pas séparer la recherche personnelle de Dieu et la vie de l’Eglise. L’auteur du Cantique a su exprimer à la fois son désir profond et l’attente d’Israël : nous voyons là, plusieurs siècles avant Saint Paul (Col 1,24), l’un des traits distinctifs de toute mystique chrétienne : celui qui aime se sent solidaire de l’Eglise et prend en charge même ses infidélités.
Si Dieu se révèle comme Amour et Amant, ce n’est pas simple façon de parler : il nous dit ce qu’est sa nature même. L’éternité de Dieu est une fête de l’Amour, avec sa constante créativité d’où procèdent les Personnes du Fils et de l’Esprit, constamment réabsorbés dans la joie de cette union. Mais souvent on hésite à le penser et à le dire, tant on est obnubilé par l’idée que si Dieu est infiniment grand, il doit l’être un peu selon nos façons de voir grandeur et sagesse.