Le livre de Ruth est l’un de ceux qu’on lit sans peine, comme un roman. L’histoire est censée se passer au temps des Juges, mais certains voudraient que l’essentiel du récit soit une création tardive : l’auteur l’aurait écrit au quatrième siècle avant notre ère en réaction contre les lois d’Esdras qui séparaient les Juifs des autres peuples et prohibaient tout spécialement les mariages mixtes.
Si réaction il y a, elle va beaucoup plus loin que ce point des mariages mixtes. L’histoire se situe au temps des Juges, une époque sans beaucoup de cadres et d’institutions : Dieu seul régnait sur Israël (1S 8,7), ce qui veut dire que dans la pratique, chacun faisait ce qu’il voulait. C’est le temps de la grande liberté, pour le bien comme pour le mal. Plus tard on le regardera comme un temps d’ignorance, mais ici l’auteur met en valeur les richesses cachées des êtres simples pour qui Dieu n’est pas un inconnu.
Le livre de Ruth appartient à la catégorie fort réduite de ceux qui se passent très bien du Temple, des prêtres et de la Loi : pour les héros de cette histoire, l’essentiel de la vie et de la relation à Dieu se jouent ailleurs. En réalité, et cela vaut même pour les docteurs, la vie journalière nous a mis devant une série de choix auxquels on peut répondre de façon fort diverse. Dieu nous reconnaît dans certaines décisions plus personnelles et risquées dont on ne sait pas trop bien comment elles ont mûri en nous.
Rut n’a pas suivi les conseils de sa belle-mère Noémi qui lui demandait de ne pas se sacrifier inutilement mais de refaire sa vie. Elle a parié sur une option plus risquée, rester avec Noémi « à la grâce de Dieu ». Elle a choisi la fidélité, et le Dieu d’Israël, qui est avant tout vrai et fidèle, lui a réservé une place de choix dans son œuvre de salut : elle sera l’une des ancêtres du Sauveur.