Le livre d’Esther est un roman plus vrai que bien des livres d’histoire. Si les événements dont il est question ici sont fictifs, ils expriment bien l’angoisse, les rancœurs et les espoirs qui ont été pendant des siècles ceux des Juifs dispersés, souvent persécutés. Ils craignaient et méprisaient à la fois les païens au milieu desquels ils vivaient. De là un constant effort pour se gagner la faveur des autorités, des appels à Dieu qui ne peut pas permettre que son peuple disparaisse, la pratique d’une solidarité étroite avec les frères juifs, l’attente du jour où ils pourront se venger de leurs ennemis pour la plus grande gloire de Dieu.
Dans ce contexte humain où l’Evangile n’est pas encore entré, le livre d’Esther met en relief la fidélité de Dieu à sa parole : le peuple juif devait survivre pour que le Christ vienne.
Les Juifs avaient pour coutume de s’envoyer des cadeaux et de célébrer une fête aux jours des Purim. Le roman prend prétexte de cette coutume et justifie la fête en racontant une persécution durant laquelle les Juifs furent sauvés ce même jour grâce à l’intervention d’Esther et de Mardochée. Il est intéressant de noter que 2 Ma 15,36 parle du jour de Mardochée : il y a certainement une relation entre cette victoire des Juifs et celle racontée dans le livre d’Esther.
Comme on le voit, le livre d’Esther est très juif, mais il a aussi son intérêt pour les chrétiens d’aujourd’hui, persécutés ou à peine tolérés en bien des endroits.
Le livre d’Esther était originairement, dans la Bible hébraïque, un récit profane, et il collait tellement à la fête populaire qu’il ne contenait ni prières ni allusion aux promesses de la Bible : Dieu n’y est même pas nommé. En revanche, celui qui l’a traduit en grec et l’a introduit dans la Bible grecque des Septante y a inséré quelques pages magnifiques et très profondément religieuses, sans parler d’un certain nombre de petites additions qui faisaient allusion à la Terre promise, à l’histoire sacrée, avec, pour commencer le livre et pour le conclure, un “songe de Mardochée”qui étend la portée du drame à la mesure de la vocation d’Israël. Lorsque, en l’an 95 de notre ère, la communauté juive reconstituée a fixé le canon de ses livres sacrés, excluant tout ce qui avait été écrit en grec, elle n’a gardé que la version primitive. L’Eglise, par contre, a reconnu comme livre inspiré la version grecque. Les Bibles protestantes sont revenues au canon juif.
Nous mettons en italiques les paragraphes propres au grec. Ces pages sont parfois placées en bloc à la fin du livre hébreu et forment les chapitres 11 à 15. On peut aussi, comme nous le faisons, les insérer à leur place dans le corps du texte. Nous leur gardons leurs numéros de chapitre, mais en italiques.