Dès la fin du premier siècle ou au début du deuxième après J.-C., des textes affirment que le deuxième Evangile est l’œuvre de Marc : il a accompagné Pierre à Rome, où il a retrouvé également Paul, et il met par écrit, avec fidélité, l’enseignement de Pierre.
N’importe quel lecteur qui compare cet évangile à ceux de Matthieu et de Luc notera immédiatement qu’il est bien plus court que ces deux autres. Mais il s’inquiétera aussi de ne rien trouver sur la naissance de Jésus et sur les années qu’il a vécues à Nazareth, et de même il sera surpris d’apprendre que le texte primitif de Marc ne disait rien des apparitions de Jésus ressuscité mais s’arrêtait à la découverte du tombeau vide. Autrement dit, l’évangile de Marc lui semblera amputé de son début et de sa fin normale.
Et pourtant il n’en est rien. Marc a donné à son évangile les mêmes limites que les apôtres avaient assignées à la première catéchèse de l’Église. Elle ne dirait pas tout ce que les croyants auraient aimé savoir, mais on donnerait l’essentiel de ce que Jésus avait dit et fait “depuis le temps où Jean baptisait jusqu’au jour où Jésus nous a été enlevé” (Ac 1,21-22). Assez tôt sans doute on l’avait écrite en hébreu pour l’usage de l’Eglise de Jérusalem de langue araméenne (la langue de Jésus), et ensuite en grec pour la communauté des “hellénistes”, les Juifs de langue grecque (Ac 6). Selon toute probabilité Marc a suivi le plus important de ces documents, dont il a dû avoir en mains deux versions assez proches ; les traditions anciennes disent qu’il y a inséré bien des détails concrets qu’il avait retenus de la prédication de Pierre, et l’examen de son texte le confirme.
L’Evangile de Marc comprend deux parties, et chacune d’elles commence par une manifestation divine : pour la première, c’est la parole divine lors du Baptême de Jésus par Jean, pour la seconde c’est la Transfiguration. La première partie de l’Evangile se déroule en Galilée, la province de Jésus, la seconde en Judée et à Jérusalem, le cœur de la nation juive. Et ces deux parties sont comme les deux versants d’une même aventure ; la première partie montre la force et la nouveauté de Jésus : impact de son enseignement, miracles, assurance face aux adversaires : l’espérance messianique des foules se fixe sur lui. Et puis, vient la désillusion et c’est la seconde partie. Jésus refuse d’être ce qu’on voulait qu’il soit et la foule ne suit pas ; puis c’est la montée d’une opposition face à laquelle Jésus paraît impuissant. Et pour finir, sa mort en croix semble enterrer sa mission.
L’Evangile de Marc est dans un certain sens, la chronique d’une grande espérance mise au tombeau. A la fin de cette lecture, toute personne de bonne foi ne peut que s’étonner : comment Dieu a-t-il permis qu’une telle personne ait été mise en croix ? C’est bien le scandale à partir duquel Pierre commençait sa prédication dans les jours qui suivirent la Pentecôte et proclamait le Christ ressuscité (Ac 2,23 et 36 ; 5,30). Et c’est là que Marc termine son livre, avec la déclaration de l’officier romain qui reconnaît que le crucifié était vraiment Fils de Dieu (Mc 15,39). Là s’arrête le document et la parole est alors à l’apôtre ou à l’évangélisateur. C’est lui qui donnera son témoignage sur la Résurrection et qui, à partir du scandale de la croix, proclamera le Christ Sauveur, exactement comme faisait Pierre.
Selon toute probabilité, Marc a écrit son Évangile un peu avant l’an 70 : voir à ce sujet l’Introduction au Nouveau Testament.