Luc dédie son livre à un chrétien aisé. A une époque où l’imprimerie n’existe pas, il lui confie son manuscrit pour qu’il le fasse recopier à l’usage des Églises. Il dédiera de même à Théophile les Actes des Apôtres.

Qui se sont accomplis parmi nous. Ce verbe signifie qu’on a atteint le terme. Tout au long de l’histoire on attendait quelque chose de plus grand ou de meilleur, mais voilà qu’on tient l’essentiel : c’est la bonne nouvelle définitive. Parmi nous : Luc connaît personnellement les premiers témoins de l’Évangile, mais aussi il a participé aux missions de Paul qu’il rapporte dans les Actes et qui font suite à son Évangile.

3. Après avoir tout étudié depuis le début. Les deux premiers chapitres de cet Évangile nous parlent de l’enfance de Jésus, tout comme le fait l’Évangile de Matthieu, mais l’esprit est tout différent : voir la note de Mt 2,1. Luc a recherché les témoignages, il utilise un très ancien document des communautés chrétiennes de Palestine.

4. La catéchèse que tu as reçue. Catéchèse vient du mot “écho”, c’est l’enseignement que le disciple apprend par cœur et est capable de redire comme un écho de la parole du maître. L’Évangile reproduit des traditions déjà fixées par écrit, qui formaient la base de la catéchèse des apôtres. Heureuse époque où les paroles de l’Évangile étaient les premières que les baptisés apprenaient par cœur !

5. Au temps d’Hérode. Il s’agit d’Hérode le Grand, père du “tétrarque” Hérode dont il est question en 3,1 et que Jésus a connu. Il a été le dernier roi des Juifs, avant que la nation ne perde son autonomie.

L’Évangile de Luc commence au Temple et finira au Temple, il se déroulera dans un cadre strictement juif. L’œuvre de Dieu commence chez des croyants simples, comme il y en avait beaucoup en Israël, ceux que les Psaumes appellent les “pauvres de Yahvé”.

Tout le récit qui commence a choisi de reprendre le style et les images de la Bible grecque, mais, pour ce qui est des enfants, la Bible n’était pas riche. Les enfants n’intéressaient personne : un mot qu’on peut traduire “la marmaille” désignait tout ce qui restait le domaine des femmes. Il n’y avait guère que la belle histoire d’Anne et de Samuel (1S 1-2). On en retrouvera ici bien des traits dans les 7 tableaux. qui suivent :

L’annonciation de Jean ;

L’annonciation de Jésus ;

La visitation ;

La naissance de Jean ;

La naissance de Jésus ;

La présentation ;

Jésus au Temple.

Il y avait un certain nombre de familles sacerdotales, les “descendants d’Aaron”. Zacharie appartenait à la classe des prêtres ordinaires qui venaient à tour de rôle à Jérusalem pour le service du Temple. Hors ces périodes, ils cultivaient leurs champs ou exerçaient des métiers humbles. Sur les clans des prêtres, voir 1Ch 24,10. Motivés par l’Écriture, forts de la solidarité de leurs confrères, ils formaient dans le peuple un réseau plus porteur de l’espérance d’Israël.

7. Élisabeth était stérile. Tout comme Sara, Rébecca et Rachel, les ancêtres du peuple d’Israël ou encore Anne, la mère du prophète Samuel. Cette situation devait souligner une fois de plus la bonté de Dieu envers les humbles et les méprisés (1S 2).

13. Ta prière a été exaucée. Zacharie avait désiré un fils, mais il ne l’attendait plus. Par contre, au Temple, il venait de demander le salut que Dieu promettait à son peuple. Les deux choses lui sont promises à la fois.

15. En Israël certains hommes se consacraient à Dieu de la façon suivante : ils ne se coupaient pas les cheveux et ne buvaient pas d’alcool un certain temps (Nb 6). On les appelait nazirs.

Le fils de Zacharie doit être nazir dès le sein de sa mère et jusqu’à la fin de sa vie comme dans le cas de Samson (Jg 13,3). Jean Baptiste sera un exemple de vie pénitente (Mc 1,6). Jésus suivra un chemin différent (Lc 7,33-34).

17. L’ange indique ce que sera la mission de Jean, fils de Zacharie. Le peuple était convaincu que le prophète Élie, emporté au ciel sur un char de feu (2R 2,11), reviendrait sur terre pour préparer la venue du Dieu sauveur (Ml 4,23). L’ange précise que Jean-Baptiste sera, non une réincarnation d’Élie, mais un prophète à son image. Il agira avec l’esprit d’Elie afin de réconcilier tous les fils d’Israël par la justice et la fidélité à la Loi de Dieu.

Ainsi commence la Bonne Nouvelle dans un recoin du monde et avec un couple de personnes âgées et sans enfant, car rien n’est impossible à Dieu.

Le récit de cette seconde Annonciation oppose la personne de Jean et celle de Jésus, l’attitude de Zacharie et celle de Marie. Les deux récits se complètent pour mettre en relief les deux grandes caractéristiques de Dieu dans la Bible : la fidélité et la grâce.

Le manque de foi de Zacharie à ce moment n’empêche pas qu’il ait été un prêtre fidèle ; l’annonce à Zacharie montrait la fidélité de Dieu qui récompense la longue attente de son peuple et accomplit ses promesses. Dans l’appel à Marie, par contre, rien n’est dit de sa vie antérieure, seulement tombe une parole de Dieu qui l’a choisie entre toutes : la grâce de Dieu la situe immédiatement sur un plan auquel personne n’a jamais songé.

Luc utilise trois fois le mot vierge. Ce faisant, il reprend la prophétie très importante d’Isaïe 7,14 qu’il va citer en 1,31.

À la différence du terme hébreu d’Isaïe qui désigne aussi bien une vierge qu’une jeune mère, Luc s’appuie sur la Bible grecque qui est très précise. Il veut appliquer à Marie les paroles des prophètes affirmant que Dieu serait accueilli par la “vierge d’Israël”. Dieu voulait rencontrer un peuple qui ait délaissé ses maîtres et ses idoles pour n’être plus qu’à lui.

La figure d’un mariage de Dieu avec son peuple est toujours présente dans la Bible. Marie est la vierge, et son fils sera Dieu avec nous, comme on le lisait en Is 7,14. Cette virginité est comme une garantie de l’alliance nouvelle que Dieu fait avec l’humanité.

Jésus est le Fils né de Dieu dans l’éternité ; il est aussi tout entier le fils de Marie, porteur de son héritage humain qui va bien au-delà de la chair, du sang et des chromosomes. Sa conception en Marie est le fruit à la fois biologique et spirituel d’un acte de foi dans lequel Marie s’est engagée tout en-tière : elle n’était qu’à Dieu et ne pourrait jamais être qu’à lui.

27. Marie est déjà promise en mariage à Jo-seph, ce qui, selon la loi juive, leur donne tous les droits du mariage (Mt 1,20). Elle reste cependant sous le toit paternel ; lors du mariage, Joseph “la prendra chez lui” (Mt 1,24) et alors elle dépendra légalement de lui.

28. Seule Marie pouvait communiquer à l’Église primitive le secret de la conception de Jésus. L’Évangile nous transmet les mots et les figures bibliques qui l’ont aidée à exprimer cette rencontre de Dieu.

Un ange : esprit envoyé par Dieu-Esprit, reflet de Dieu qui, dans cette apparition, ne fait que montrer et dire ce que Dieu est en train de réaliser dans l’âme de Marie. Luc nous transmet un nom, Gabriel ; selon les traditions juives, c’était l’un des sept anges les plus gradés (1,19), et c’était lui qui annonçait les temps définitifs en Dn 8,16 y 9,21.

Il faut donc comprendre que pour Marie tout a commencé avec la certitude qu’elle se trouvait à l’endroit et au moment où le sort du monde se décidait.

Réjouis-toi. C’est la façon grecque de se saluer, mais c’est aussi l’appel joyeux que les prophètes adressaient à la “fille de Sion”, la communauté des humbles qui attendaient le salut de Dieu (So 3,14 ; Za 9,9).

Pleine de grâce. Le texte grec dit : “l’aimée, la favorisée”. D’autres avaient été aimés, élus, mais ici ce qualificatif devient le nouveau nom de Marie. L’expression traditionnelle “pleine de grâce” n’est pas exacte au sens strict, mais elle replace la salutation dans son contexte biblique : nous appelons grâce tout ce qui a son origine dans le Dieu vivant mais doit germer sur notre terre : Is 45,8 ; Ps 85,11. Marie est vraiment pleine de grâce car la suite montrera que Jésus doit naître d’elle comme il naît du Père.

30. L’ange révèle à Marie l’identité et la mission de l’enfant. D’abord il l’exprime avec les images de l’Ancien Testament, s’inspirant de l’annonciation de personnages célèbres (31-33). Ensuite, quand l’ange répond à Marie, il énonce le mystère du Dieu Trinité.

31. Tu vas être enceinte : Gn 16,1 ; Ex 3,11 ; Jg 6,11. Tu l’appelleras : voir Isaïe 7,14 annonçant celui qui serait “Dieu avec nous”. Marie l’appellera Jésus, ce qui veut dire : Sauveur.

32. L’ange applique à Jésus la prophétie de Nathan en 2S 7,9-16 : il sera le Messie, descendant de David (voir 1,27). Cette promesse parlait avant tout d’un royaume de justice et de paix, mais l’ange ne souligne que la grandeur du Messie, Fils du Très Haut : il sera “grand”, tout court, et non pas “grand devant Dieu” comme on disait de Jean Baptiste (1,15). Il règnera pour toujours sur la maison de Jacob, c’est-à-dire le peuple d’Israël : voir Is 7,16; 9,6; Mi 5,2.

34. Le texte dit exactement, selon l’usage du verbe hébreu : “Comment est-ce possible si je ne connais pas un homme ?”

Pour Marie la réponse de l’ange signifie qu’elle va concevoir tout de suite, et c’est alors que prend tout son sens le titre de “vierge” que Luc a placé dès le début.

On peut donc se poser des questions sur les relations mutuelles de Marie et de Joseph, le seul point certain étant qu’elle est vierge et qu’elle conçoit à ce moment même par l’Esprit de Dieu.

Il serait cependant étrange qu’à ce moment et dans un tel récit Marie n’ait même pas posé la question de Joseph si, d’un moment à l’autre, ils devaient s’unir. Et de même l’ange n’a pas nommé Joseph pour l’écarter. Tout devient plus transparent si Marie s’était déjà réservée pour l’Unique. Une telle décision était très étrangère a la mentalité juive, mais il est également certain que l’Évangile se manifeste à toutes les époques par des décisions neuves et très surprenantes pour les contemporains.

Pour ce qui est de la virginité de Marie après la conception de Jésus, on peut seulement rappeler que “Marie toujours vierge” est une affirmation permanente de la tradition chrétienne, laquelle ne fait jamais qu’approfondir le donné de l’Écriture. Comment penser qu’après avoir été ainsi aimée, visitée par Dieu pour qu’en elle se réalise son alliance définitive avec l’humanité, elle ait pu se donner à un autre, cet autre fût-il Joseph, parfait serviteur de Dieu ? Voir la note sur les ”frères de Jésus” en Mc 3,31.

Ici l’ange situe Jésus dans le mystère même de Dieu. Le Pouvoir du Très-haut est, comme en Lc 24,49 une autre manière de nommer l’Esprit, le “Souffle” porteur des énergies divines.

38. La servante du Seigneur. Marie exprime sa disponibilité. D’elle naîtra celui qui est à la fois le serviteur annoncé par les prophètes (Is 49,1; 50,1; 52,13) et le Fils (He 1).

Le mot “servante” pourrait égarer ceux qui voient Dieu utilisant des serviteurs pour ses pro-pres fins. La foi chrétienne se refuse à penser que Dieu ait seulement eu besoin de Marie pour donner un corps à son Fils, un fils qu’elle aurait mis au monde sans qu’il soit pleinement son fils.

Tout au long de l’histoire les décisions éternelles de Dieu se sont accomplies grâce à la libre réponse de ceux qu’il appelait. Aujourd’hui, c’est le tour de Marie de l’accueillir au nom de l’humanité tout entière. La “mère du Seigneur” est aimée la première, et sur elle d’abord vient l’Esprit au début d’une œuvre de grâce où Dieu ne saura qu’aimer.

Elle décida : c’est le sens de la formule hébraïque : “elle se leva et fit le voyage”. Elle obéit à une intuition prophétique.

Marie avait une mission à remplir, mais elle attendait aussi quelque chose. Comme c’est la règle pour toute révélation privée, elle doit se faire con firmer par quelqu’un d’autre ce qui lui a été dit par l’ange. La parole d’Élisabeth à Marie sera la réponse : Marie reçoit le titre de “mère du Sei gneur”.

Jean Baptiste n’est pas oublié : Marie, devenue le Temple de Dieu, communique l’Esprit, et c’est l’Esprit de Jésus. Pour Jean Baptiste se réalise à ce moment la parole de Jr 1,5. Il en sera de même pour Paul (Ga 1,15) et pour ceux qui ont plus reçu de Dieu que de leurs père et mère.

Heureuse parce que tu as cru ! – parce que cette foi était la seule chose que tu pouvais offrir à Dieu et pour lui elle ne valait pas moins que le monde entier.

46. Dans le peuple juif, bien qu’il fût le plus alphabétisé de tout l’empire romain, la culture restait essentiellement orale. Tout événement familial ou local était immédiatement traduit en prose rythmée, selon des lois qui permettaient de le mémoriser.

On ne concevait pas une naissance, un décès, sans une telle récitation, les femmes en étaient généralement chargées, et c’est dans cette “littérature orale” qu’elles apprenaient et retrouvaient les sentences de l’Écriture. Quand ces récitations étaient bien tournées, les témoins et les voisins les retenaient et elles pouvaient rester vivantes des années durant.

Marie n’a pas attendu d’être chez Zacharie pour improviser le Magnificat. Elle s’était dit et elle avait dit à l’enfant qu’elle portait en elle ce que serait son nom et comment il le mériterait. On remarquera que Luc a laissé à la récitation de Marie ce qu’elle avait de vert et de printanier… et de juif.

Il y a d’abord l’action de grâces, qui sera caractéristique des temps de l’Évangile, l’âme de nos “eucharisties”. Marie se voit au centre de l’œuvre de Dieu et elle se voit aussi comme l’exemple de la façon que Dieu a de conduire le monde. Elle annonce une révolution qui a déjà commencé avec la venue du Sauveur et qui continuera tout au long de l’histoire : voir les Béatitudes en Lc 6,20.

Ce cantique n’oublie rien de l’attente du peuple d’Israël qui réclamait la prise en compte des pauvres : jusqu’à la fin du monde ce sera l’une des lignes maîtresses de l’effort humain. Mais aussi il affirme que dès à présent, ce qui est le plus caractéristique des interventions de Dieu, c’est le regard qu’il jette sur celui qui n’a rien et qui n’est rien.

53. N’oublions pas que l’enfance de Jésus se déroule dans une province dont les richesses sont régulièrement spoliées par l’oppresseur romain et les grands propriétaires souvent partis à l’étranger. Dans ce monde on survit plus qu’on ne vit, on s’aide entre pauvres dans la mesure où l’on peut et nul n’est sûr du lendemain.

Les riches, par contre, sont globalement des cyniques ou des affairistes qui ont renié l’espérance d’Israël.

Dieu a tenu ses promesses : c’est déjà fait ! Mais, comme il arrive souvent, on n’est pas dupe des mots et l’on sait que, même avec un Messie, il y aura encore une longue histoire : toutes les générations...

La circoncision des garçons était le rite sans lequel on ne pouvait appartenir à la communauté religieuse (voir Gn 17).

80. On retrouvera Jean Baptiste dans la région du désert de Juda proche de Jéricho en 3,2.