Cette première lettre de Jean, inséparable de son évangile, nous rappelle que la voie chrétienne n’est pas autre chose qu’une divinisation, la nôtre.
De tout temps l’idéal chrétien a semblé trop pâle ou trop étroit à beaucoup de gens. Sans critiquer directement les valeurs du christianisme et ses bienfaits pour l’humanité, il leur a semblé qu’il limitait l’homme. Pensons à tous ceux qui ont dit, comme Marx, qu’une libération humaine vraie passait par la lutte contre la foi. Pensons encoreà tous ceux qui cherchent dans les sagesses orientales un accès à l’Absolu qu’ils n’ont même pas vu dans la foi chrétienne.
Même chez les chrétiens, la religion sentimentale faite d’un enthousiasme pour Jésus, cache souvent une ignorance de la foi. Car, en Jésus, c’est Dieu lui-même que nous voulons atteindre et nous voulons nous perdre dans cette Vérité d’où nous sommes sortis.
Cette lettre de Jean veut remettre en place bien des doutes ou des confusions sur la foi chrétienne dus à un mouvement de pensée connu dans l’histoire comme la gnose, ou connaissance. Il y avait là tout un faisceau de théories dans lesquelles s’étaient fondus bien des éléments déjà présents dans les religions dites asiatiques, c’est-à-dire de la province romaine d’Asie, la Turquie actuelle. Paul les avait rencontrées quelques trente ans auparavant (voir les Lettres de la Captivité) et maintenant, Jean voyait les progrès de la gnose dans la région d’Éphèse,.
La gnose était toujours prête à s’emparer des croyances qu’elle rencontrait pour les refondre dans ses contes interminables. Elle essayait d’intégrer la personne de Jésus dans ses dialectiques intellectuelles, dans les luttes entre le Dieu mauvais de l’Ancien Testament, créateur du monde matériel, et le Dieu bon, père des esprits. Pour eux, on était spirituel et sauvé dès le moment où l’on connaissait les secrets du Dieu de la matière et de celui des esprits.
Il fallait donc réaffirmer que Jésus était le Christ et Sauveur venu dans la chair pour détruire le péché, et la lettre parlera plus d’une fois de sacrifice et du sang de Jésus. Face à l’irresponsabilité morale inculquée par la gnose, la lettre montre que le monde sera sauvé par la dynamique de l’amour. La révélation du Dieu Amour, qui distingue le christianisme de toutes les religions, permet que naisse en nous quelque chose d’éternel et divin qui aura raison du monde, de ses tentations et de sa capacité de mentir et de tuer.
Cette lettre a dû être écrite dans les années 95-100. Faute d’un plan très clair, on peut y reconnaître trois parties :
– vivre dans la lumière (1,5 – 2,29)
– vivre comme des fils de Dieu (3,1 – 4,6)
– Dieu-Amour est source de l’amour (4,7-21) et source de la foi (5,1).